Interviews
2019
Mai 2019 - Interview pour le magazine BIG BANG n° 106
Magazine des Musiques Progressives
Entretien réalisé par Henri Vaugrand English Version
Bonjour Fabrice ! Nous t’avions quitté fin 2013 (Big Bang n° 88) après la sortie de ton deuxième album, Inner Lands. Pourrais-tu nous dire ce que tu as fait entre ce moment et la sortie de ton nouvel album, 7 + ∞ ?
Bonjour,
Après la sortie de Inner Lands en 2013, j’ai commencé à travailler en musique improvisée et expérimentale avec le percussionniste japonais Tomoo Nagai et ma compagne Samantha Zaccarie aux projections vidéos et photographies. Le collectif franco-japonais Luli est né. Plusieurs tournées ont eu lieu au Japon, en Islande et en France. En 2016, nous avons enregistré au pied du Mt Fuji, la montagne sacrée du Japon, le magnifique album In the Middle of No Way. Durant cette même année, j’ai également composé et enregistré l’album Lithophonic consacré aux lithophones. J’y reviendrai dans l’entretien.
Entre 2015 et 2017, j’ai travaillé sur deux B.O. pour des documentaires Arte Tv Quand Homo Sapiens faisait son Cinéma (2015) et France 3 Comme des Sardines en Boite (2017) avec le compositeur Renaud Barbier. Puis pour le cinéma avec la B.O. du film Corniche Kennedy en 2017 avec la compositrice Béatrice Thiriet.
En 2018, j’ai participé à l’album d’Ange Heureux en composant le prologue musical du titre Nancy - Jupiter à la Nage et puis le nouvel album 7 + ∞ est sorti en juin 2018.
En ce moment, je tourne avec les projets des Êtres Deboue, compagnie de théâtre gestuel Les Journaliers, le spectacle jeunesse A la recherche de Pablo pour la Compagnie Carré Blanc sur Fond Bleu et enfin le duo musique atypique Fabrice Bony et Marc Niess.
Parallèlement à toutes ces activités artistiques, j’enseigne la batterie et la guitare en musiques actuelles dans plusieurs écoles de musique dont le Conservatoire de Musique et Danse de Rochefort.
Ton album de 2016, Lithophonic, est quelque chose de particulier. Peux-tu nous parler un peu des lithophones et de ce qu’ils représentent pour toi ?
Lithophonic est un album particulier car il est consacré aux lithophones, autrement dit les pierres chantantes. La rencontre a eu lieu en Islande en 2011 lors de la résidence artistique Fresh Winds avec Páll Guðmundsson, artiste discret aux multiples talents, sculpteur, dessinateur, peintre, musicien. De retour en France et venant tout juste de m’installer en Lozère, je suis parti en quête des pierres chantantes sachant que j’étais au carrefour du calcaire, du schiste, du grès et du granit. Ce qui m’apparaissait intéressant c’était d’assembler les sons, les résonances. Peu importe que les notes soient « justes ». Je n’ai pas utilisé d’accordage classique.
Dans cet album, j’ai joué de la musique improvisée et composée pour lithophones. Une autre idée était d’explorer de nouvelles textures sonores en les mélangeant aux instruments de musique et outils informatiques actuels. Les titres Afrolith et Psychedelith en sont de parfaits exemples. Il y a aussi deux arrangements originaux pour lithophones de deux pièces minimalistes du compositeur américain Steve Reich Clapping Music et Music For Pieces of Wood. J’étais je l’avoue plutôt fier qu’il valide ces deux arrangements.
A chaque fois que je joue du lithophone, le public et moi-même sommes conviés à un voyage dans le temps. Nous venons de là et notre Adn ne l’a pas oublié. Bien souvent le public est touché et l’impression ressentie est bien au-delà des mots.
A l’heure du grand tout technologique, l’humain et surtout les jeunes générations sont en pleine mutation avec les nouveaux téléphones qui n’en sont plus car collés voir littéralement greffés aux mains. Il est important que les jeunes générations puissent entendre à nouveau les sons minéraux des origines. A l’heure actuelle, je suis en train d’en imaginer une musique électro-minérale…
Je suppose que ce sont en grande partie ces activités éparses qui ont retardé la sortie de ce 7 + ∞ initialement prévu pour 2015-2016. Y a-t-il d’autres raisons à cela ?
Oui toutes ces passionnantes activités ont fait que ce nouvel album aboutisse en 2018. Cela n’a pas d’importance, je suis mon propre producteur. Je n’ai pas de dead line à respecter, je prends le temps qu’il faut et c’est très bien ainsi. Et puis arrive le jour, la nuit où je sais intérieurement que je suis arrivé au bout du projet.
Pour 7 + ∞, je souhaitais franchir une nouvelle étape personnelle en gérant moi-même le mixage. C’était un sacré challenge ! J’ai appris beaucoup dans ce domaine avec le génial ingénieur du son Jean-Lou Girold que je remercie. Le résultat est plutôt convaincant me semble-t-il.
On se souvient de t’avoir découvert lors de la tournée promotionnelle de l’album d’Ange, Les Larmes du Dalaï-Lama. Ensuite, les relations avec le groupe de Christian Décamps s’étaient un peu, disons, distendus. Comment s’est passée ta participation au titre “Nancy – Jupiter À La Nage (Odyssée 14’00)” sur le dernier disque des Belfortains (Heureux !, 2018, voir Big Bang n° 102) ?
J’ai revu à plusieurs occasions le groupe et en 2017 Christian et Tristan lors de leur venue au Théâtre de la Coupe d’Or à Rochefort. Nous avons même joué sur scène une version de Quasimodo avec les lithophones. C’était un beau et étonnant moment de retrouvailles. Suite à cela, Christian m’avait parlé du prochain album d’Ange.
En 2016, je lui ai envoyé le disque Lithophonic, je ne me doutais pas qu’à ce moment-là, Christian était en train d’écrire ce magnifique texte sur les pierres Ce que murmurent les Pierres. C’est lui qui me l’a raconté. Il était donc naturellement évident qu’il allait se passer quelque chose entre Ange et mon travail sur les lithophones.
Toujours est-il qu’un jour dans mon home studio, j’ai réalisé un enregistrement où j’ai superposé 7 pierres frottées de types anciens collecteurs d’huitres en ardoise. En les mixant, j’ai commencé à entendre des voix venues des pierres. J’ai tout de suite su que ces sons seraient destinés au prochain disque d’Ange. J’ai contacté Tristan et Christian qui ont été emballés. J’ai eu la joie de découvrir que ces sons étaient utilisés pour le Prologue de Nancy-Jupiter à la Nage. Voilà pour cette heureuse aventure angélique !
On connaissait déjà ton admiration pour Magma et Christian Vander, mais elle transpire véritablement dans ton nouvel album, peut-être même plus encore que dans Inner Lands. Si ce dernier était très progressif avec un brin de fusion et quelques références à ce Gentle Giant que tu apprécies tant, 7 + ∞ a des passages nettement plus proches du zeuhl. Qu’en penses-tu ?
Oui Magma et Christian Vander, fan absolu à ∞ !
Le 1er titre de l’album Tuatha De Danann (Les Tribus de la Déesse Dana) évoque les Mythologies du Grand Nord. La musique empreinte des influences à la musique celtique mais aussi aux rythmiques magmaïennes, notamment le Rhodes et les voix. C’est surtout dans la 1ère partie du morceau qu’on peut dire qu’il est proche de la musique Zeulh. Pour la 2nde partie du morceau, nous sommes plus proche de la musique minimaliste, jazz, aérienne et symphonique.
Toundra est un titre dans la veine de la musique minimaliste. Il est composé avec un psaltérion elfique primitif que j’ai fabriqué en Islande. Il produit des sons hallucinants et aléatoires. On ne sait jamais ce qui va en sortir, cela me permet d’être dans l’instant présent et non dans la redite. Samantha Zaccarie a ajouté cet instrument chamanique qu’est la guimbarde et des voix éthérées évoquant les grands espaces et les grands troupeaux en migration. Magique !
Caravan of Whales est un titre étonnant de près de 8 minutes de crescendo qui avec son rythme lourd en forme de transe évoque une caravane des baleines traversant les déserts alors recouvert par l’océan. Deux parties de batterie viennent se superposer pour évoquer cette progression lancinante avec cette rythmique obsédante de violoncelle. On peut dire qu’il y a là aussi référence à Magma ou plutôt Offering avec Earth. Ensuite la forme est celle du jazz coltranien avec ce dialogue entre le saxophone de Satoru Kita et la trompette de Marc Niess.
Ukiyo-e fait référence au Monde flottant japonais. Ma relation avec le Japon est forte, aussi je souhaitai composer un titre en cet honneur. Le titre de plus de 10 minutes est divisé en 2 parties, la 1ère étant très aérienne, axée sur le travail des voix sensibles de Samantha Zaccarie et moi-même en lead vocal et du rhodes. Tandis que la 2nde partie s’articule autour de différents thèmes de piano et de cordes avec des rythmiques dynamiques et planantes à la fois. Pour ce titre, j’ai eu la chance d’avoir l’excellent saxophoniste japonais Satoru Kita.
Celtia évoque les mondes celtes avec ses thèmes harmonisés violons, flutes et guitares. La rythmique ternaire en 12/8 est typique de la musique celtique. J’aime l’énergie de cette musique, j’en écoute souvent. Je ne suis pas loin de la Bretagne. J’aime cette terre à l’énergie brute ! Je souhaitais composer un morceau avec cette influence. J’ai eu la chance d’avoir la violoniste bretonne Héléna Boistard et Damien Fadat aux flutes irlandaises.
Le morceau Silex est comme son nom l’indique joué avec des pierres de silex venues de l’Ile d’Oléron, là nous sommes dans la forme la plus minimale qui soit. Et nous naviguons dans les très hautes fréquences minérales. J’ai été agréablement surpris par le résultat. Je ne pensais pas pouvoir obtenir ce type de son avec des pierres. Belle découverte !
Le titre de l’album correspond au nombre de titres, le dernier, comme tu l’expliques sur le livret, ce 8 couché représentant l’infini. Peux-tu nous parler plus spécifiquement de ce “Frequency Of Dreams” et de ces 46 invités qui s’expriment dans différentes langues ?
Pour le chiffre 7, il y a évidemment référence à la création du Monde en sept jours, c’est l’essence même de cet album d’évoquer le sacré et le spirituel.
∞ correspond au titre Frequency of Dreams (la Fréquence des Rêves) qui clôture le disque. J’ai composé ce titre en Islande lors de la résidence artistique Fresh Winds. 46 artistes internationaux étaient invités soit près de 20 nationalités différentes. La thématique de la résidence était le Rêve. Dans mon esprit est venue l’image de l’humain connecté à la Fréquence des Rêves, infinie.
J’ai demandé à chacun d’exprimer leur sentiment sur le Rêve dans leur propre langage. A partir de toutes ces enregistrements, j’ai composé et édité cette pièce musicale qui à l’écoute est comme un voyage infini, un film évoquant les milliards d’êtres humains en train de rêver. Ce titre a une puissance émotionnelle très forte.
Tu avais déjà apporté un soin particulier à l’enregistrement et au mixage de la batterie, ton instrument majeur, sur Inner Lands. On sent le même souci sur ce nouvel opus. Est-ce que je me trompe ?
Comme je te disais plus haut, pour ce nouvel album, j’ai décidé de gérer le mixage complet mais aussi toutes les prises de sons de tous les instruments. Processus de longue haleine et passionnant.
L’enregistrement de la batterie a été réalisé dans différents lieux. Je fais 3 prises par morceau le plus souvent. Je joue en lâcher prise et j’affine au fur et à mesure. Très peu d’editing en fin de compte. Ensuite je laisse passer du temps avant de réécouter. Cela m’aide à ne pas perdre le fil d’énergie créatrice.
De même, du point de vue de la composition, le minimalisme est encore présent avec ses subtils changements et ses répétitions. Est-ce que le lithophoniste que tu es désormais accentue cette influence ?
Oui il est présent tout au long de l’album. Je l’assume pleinement. Pour moi, le minimalisme et le progressif des années 70 sont intimement liés. Ils sont de grandes sources d’inspiration. Ces deux mouvements de par leurs ouvertures d’esprit sont des passerelles naturelles permettant de réunir et d’intégrer tous les genres musicaux. De nos jours, le Rock Progressif rime plus souvent avec Métal Prog qu’autre chose. Personnellement, je n’accroche pas. Je préfère les sons proches des origines. La « répétition » avec ses changements subtils représente la forme de la Transe. La musique de ce nouvel album 7 + ∞ est spirituelle.
Si je ne m’abuse, des Cévennes tu as déménagé pour t’installer au bord de l’océan Atlantique, dans les Charentes. Qu’est-ce que ce changement géographique a modifié chez le “tellurien” que tu es et que l’on reconnaît bien dans le titre “Toundra” ?
La grande thématique de cet album 7 + ∞ est le Nomadisme Intemporel. Aussi je suis passé des montagnes cévenoles lozériennes à l’océan atlantique et la Charente Maritime. Quel changement ! Un vrai coup de cœur pour cette région est né. J’aime l’horizon de l’océan et du ciel. Un vrai plaisir de se balader sur la côte sauvage et de rencontrer les oiseaux migrateurs par toute saison. Et puis la découverte des marais entre Rochefort et l’Ile d’Oléron, quelle merveille de biodiversité ! Cet environnement est très inspirant pour ma musique. Toundra évoque les grands espaces liés aux migrations des grands troupeaux.
Mon ressenti entre musique et la rencontre avec la Nature sont de plus en plus forts années après années. Cela se traduit par une énergie créatrice que je sens pure et naturelle.
Bien entendu, les grandes étendues maritimes sont présentes (“Caravan Of Whales”, “Lament For The Ocean”), même si la caravane pourrait sortir de chez Santana...
Les deux titres dont tu parles là mettent en lumière les problématiques environnementales causées par l’Homme. Caravan of Whales évoque l’image des Caravanes de Baleines traversant tranquillement les déserts recouverts par l’océan. L’image est captivante mais c’est aussi une façon de dire aux Hommes que l’océan pourrait à nouveau recouvrir dans un temps proche ces déserts avec la montée des eaux dues au réchauffement climatique, la fonte des glaciers, la pollution atmosphérique dues aux activités humaines. Les jeunes générations semblent s’éveiller à ces problèmes, tant mieux !
Lament for the Ocean est un titre fort dans le sens où je souhaitais évoquer la pollution océanique par le plastique, le nucléaire et les suractivités économiques humaines. Quand je vois que les ostréiculteurs utilisent toujours du plastique pour produire des huitres, cela me navre au plus haut point. Et ces jours-ci, j’apprends qu’un navire vient de s’échouer proches des côtes charentaises avec un grand risque de pollution. Dans ces deux cas, l’humain montre son irresponsabilité. L’Océan, rappelons-le, qu’il soit Atlantique, Pacifique ou Indien n’est en fait qu’un seul et unique Océan.
On te savait multi-instrumentiste accompli, mais tu t’avères également être un excellent vocaliste. Les voix sont d’ailleurs plus présentes que sur Inner Lands, comme sur le très beau “Ukiyo-e”, sorte de croisement hybride entre Steve Hillage et Ryūichi Sakamoto. Un commentaire sur ce travail des voix ?
Dans ce nouvel album 7 + ∞, je souhaitai équilibrer la musique et les voix. Ukiyo-e s’est avéré un parfait exemple. L’idée était de partir d’une forme simple, voix et rhodes. J’aime de plus en plus chanter. Dans mon image du chant, il n’y a pas de textes mais plutôt des sons et des textures. Les mélodies sont venues assez vites puis avec Samantha Zaccarie, nous avons travaillé ensemble sur des harmonisations et des contre-points. Encore une fois, cela a demandé du temps et de la maturation.
Ukiyo-e s’inspire également des mondes flottants et des estampes japonaises de l’artiste Hokusai dont j’ai vu une rétrospective remarquable à Tokyo. Autant la 1ère partie est centrée sur les voix, la 2ème est axée sur le piano, les cordes et les rythmiques. Tu as raison, j’ai fait un clin d’œil à Ryuichi Sakamoto que j’aime beaucoup. Ukiyo-e s’adresse aussi à tous les ami(e)s japonais(e)s en fin de compte. Ah quel étonnant pays que le Japon, j’adore !
Tu as quelques invités, en particulier Satoru Kita (saxophones, violoncelle) et Marc Niess (trompette) avec lesquels tu collabores par ailleurs. Pourrais-tu nous dire quelques mots sur ces invités ?
Dans ce nouvel album 7 + ∞, plusieurs invités ont été conviés. Tout d’abord, ma compagne Samantha Zaccarie qui a joué la guimbarde, chanté sur 5 des 8 titres de l’album. Avec son ressenti et son écoute particulière de la musique, elle m’a beaucoup aidé lors du mixage. Samantha a conçu en grande partie la pochette du digifile avec cette photo magnifique tirée de sa série Infinite Trace. Elle se considère comme une artiste de la Vie. Aussi son travail photographique est à découvrir.
J’ai eu la chance d’avoir l’excellent flutiste montpelliérain Damien Fadat pour les titres Tuatha De Danann et Celtia. Je l’avais vu en concert, j’avais adoré son jeu et son énergie.
Satoru Kita a joué les saxophones et du violoncelle sur 2 titres Caravan of Whales et Ukiyo-e. Musicien japonais, il vit à Paris. Allez l’écouter, c’est un musicien exceptionnel avec un sens inné du graphisme dans la composition musicale. Epatant !
Héléna Boistard est venue dans les Cévennes avec son violon électrique pour enregistrer le morceau Celtia. Je la connais depuis longtemps. C’est une excellente violoniste avec une belle énergie.
Enfin je termine par Marc Niess qui est venu en dernier renfort créé une partie de trompette et des textures sonores étonnantes sur Caravan of Whales. L’entente artistique entre nous est d’ailleurs naturelle si bien que nous avons formé le duo Fabrice Bony & Marc Niess qui commence à tourner depuis 2018. J’aime beaucoup ce projet qui mélange les genres. C’est comme une synthèse musicale de tout mon parcours artistique. L'album Live Concert est en ligne pour le moment. Nous sortirons un mini Ep enregistré en studio d’ici mai ou juin. Mesdames et Messieurs les programmateurs, c’est un projet qui mérite de tourner. N’hésitez pas à nous contacter.
Peut-on espérer entendre 7 + ∞ en concert ?
Avec le duo Fabrice Bony & Marc Niess, nous reprenons Caravan of Whales en concert. Mais ce sera le seul titre joué en live. Frequency of Dreams a été joué en Islande. Jouer 7 + ∞ en concert demanderait de constituer un groupe de 6 musiciens au minimum. Ce n’est pas prévu pour l’instant. Il faudra plutôt écouter et voir cet album en tant que peintures abouties.
Un dernier mot pour nos lecteurs ?
Lectrices et lecteurs, je vous salue. Au plaisir de vous croiser sur la route. Continuer à soutenir les artistes indépendants !
Merci pour cet entretien et bonne continuation au magazine Big Bang.
Hello Fabrice ! We left you at the end of 2013 (Big Bang # 88) after the release of your second album, Inner Lands. Could you tell us what you did between that moment and the release of your new album, 7 + ∞ ?
Hello,
After the release of Inner Lands in 2013, I started working in improvised and experimental music with Japanese percussionist Tomoo Nagai and my partner Samantha Zaccarie on video and photography projections. The Franco-Japanese collective Luli was born. Several tours have taken place in Japan, Iceland and France. In 2016, we recorded at the foot of Mt. Fuji, the sacred mountain of Japan, the magnificent album In the Middle of No Way. During that same year, I also composed and recorded the album Lithophonic devoted to lithophones. I will come back to it in the interview.
Between 2015 and 2017, I worked on two B.O. for documentaries Arte Tv Quand Homo Sapiens faisait son Cinéma (2015) and France 3 Comme des Sardines en Boites (2017) with the composer Renaud Barbier. Then for the cinema with the BB film Corniche Kennedy in 2017 with the composer Béatrice Thiriet.
In 2018, I participated in the last Ange CD Heureux by composing the musical prologue of the title Nancy - Jupiter at La Nage and then the new album 7 + ∞ was released in June 2018.
At the moment, I'm working with the projects of Êtres Deboue, gestural theater company Les Journaliers, the youth show A la Recherche de Pablo for the Compagnie Carré Blanc sur Fond Bleu and finally the atypical music duo Fabrice Bony and Marc Niess.
Parallel to all these artistic activities, I teach drums and guitar in current music in several schools of music including the Conservatory of Music and Dance of Rochefort.
Your 2016 album, Lithophonic, is something special. Can you tell us a little about the lithophones and what they represent for you ?
Lithophonic is a special album because it is dedicated to lithophones, in other words singing stones. The meeting took place in Iceland in 2011 during the artistic residency Fresh Winds with Páll Guðmundsson, discreet artist with many talents, sculptor, draftsman, painter, musician. Back in France and just moved to Lozere, I went in search of singing stones knowing that I was at the crossroads of limestone, shale, sandstone and granite. What seemed interesting to me was to assemble the sounds, the resonances. It does not matter if the notes are "right". I did not use classical tuning.
In this album, I played improvised and composed music for lithophones. Another idea was to explore new sound textures by mixing them with current musical instruments and tools. The titles Afrolith and Psychedelith are perfect examples. There are also two original minimalist two-piece lithophone arrangements by American composer Steve Reich Clapping Music and Music For Pieces of Wood. I was pretty proud to say that he validates these two arrangements. Whenever I play lithophone, the audience and I are invited to a trip back in time. We come from there and our DNA has not forgotten it. Often the audience is touched and the impression is far beyond words. At the time of the great technological everything, the human and especially the younger generations are changing with the new phones that are no longer glued because see literally grafted hands. It is important that younger generations can hear the original mineral sounds again. At the moment, I'm trying to imagine an electro-mineral music ...
I suppose it was largely these sparse activities that delayed the release of this 7 + ∞ originally planned for 2015-2016. Are there other reasons for this ?
Yes, all these exciting activities have made this new album a success in 2018. It does not matter, I'm my own producer. I have no dead line to respect, I take the time it takes and that's fine. And then comes the day, the night I know internally that I came to the end of the project.
For 7 + ∞, I wanted to take a new personal step by myself managing the mix. It was a big challenge! I learned a lot in this field with the great sound engineer Jean-Lou Girold whom I thank. The result is rather convincing, it seems to me.
We remember to have discovered during the promotional tour of the album of Ange, The Tears of the Dalai Lama. Then, the relations with the group of Christian Décamps had a little, say, distended. How was your participation in the title "Nancy - Jupiter À la Nage (Odyssey 14'00)" on the last record of Belfortains (Happy, 2018, see Big Bang No. 102) ?
I saw on several occasions the group and in 2017 Christian and Tristan during their visit to the Theâtre de la Coupe d'Or in Rochefort. We even played on stage a version of Quasimodo with the lithophones. It was a beautiful and amazing moment of reunion. Following this, Christian had told me about the next album of Ange.
In 2016, I sent him the Lithophonic record, I did not suspect that at that time, Christian was writing this beautiful text on the stones Ce Que Murmure les Pierres. He told me that. It was, of course, obvious that something was going to happen between Ange and my work on lithophones.
Still, one day in my home studio, I made a recording where I superimposed 7 rubbed stones of old types oyster slate collectors. By mixing them, I started hearing voices coming from the stones. I immediately knew that these sounds would be for the next Ange's CD. I contacted Tristan and Christian who were excited. I had the joy of discovering that these sounds were used for the Nancy-Jupiter Prologue à La Nage. So much for this happy angelic adventure!
We already knew your admiration for Magma and Christian Vander, but it really transpires in your new album, maybe even more than in Inner Lands. If the latter was very progressive with a bit of fusion and some references to the Gentle Giant that you like so much, 7 + ∞ has passages much closer to zeuhl. What do you think ?
Yes Magma and Christian Vander, absolute fan at ∞!
The 1st title of the album Tuatha De Danann (The Tribes of the Goddess Dana) evokes the Mythologies of the Great North. The music is influenced by Celtic music as well as by rhythmic Magma, including Rhodes and voices. It is especially in the first part of the piece that we can say that it is close to Zeulh music. For the 2nd part of the piece, we are closer to minimalist, jazz, aerial and symphonic music.
Toundra is a title in the vein of minimalist music. It is composed with a primitive Elvish psaltery that I made in Iceland. It produces hallucinating and random sounds. You never know what will come out, it allows me to be in the moment and not in the repetition. Samantha Zaccarie added this shamanic instrument that is the jew's harp and ethereal voices evoking the large spaces and large herds in migration. Magical !
Caravan of Whales is an amazing 8-minute crescendo song that with its heavy trance-like rhythm evokes a caravan of whales crossing the deserts then covered by the ocean. Two drum parts are superimposed to evoke this throbbing progression with this obsessive cello rhythm. We can say that there is also reference to Magma or Offering with Earth. Then the form is that of the Coltranian jazz with this dialogue between the saxophone of Satoru Kita and the trumpet of Marc Niess.
Ukiyo-e refers to the Japanese floating world. My relationship with Japan is strong, so I wanted to compose a title in this honor. The title of more than 10 minutes is divided into two parts, the first part is very aerial, focused on the work of the sensitive voices of Samantha Zaccarie and myself in vocal lead and rhodes. While the 2nd part revolves around different themes of piano and strings with rhythmic dynamic and planing at the same time. For this title, I was lucky to have the excellent Japanese saxophonist Satoru Kita.
Celtia evokes the Celtic worlds with its harmonized themes violins, flutes and guitars. The ternary rhythm in 12/8 is typical of Celtic music. I like the energy of this music, I listen to it often. I'm not far from Brittany. I love this earth with raw energy! I wanted to compose a piece with this influence. I was lucky to have the Breton violinist Héléna Boistard and Damien Fadat at the Irish flutes.
The piece Silex is as its name suggests played with flint stones from the Ile d'Oleron, there we are in the most minimal form. And we are sailing in the very high mineral frequencies. I was pleasantly surprised by the result. I did not think I could get this type of sound with stones. Beautiful discovery !
The title of the album corresponds to the number of titles, the last, as you explain on the booklet, this 8 lying representing infinity. Can you tell us more specifically about this "Frequency Of Dreams" and these 46 guests who speak different languages ?
For the number 7, there is obviously reference to the creation of the World in seven days, it is the essence of this album to evoke the sacred and the spiritual.
∞ is the title of Frequency of Dreams that closes the disc. I composed this title in Iceland during the artistic residency Fresh Winds. 46 international artists were invited, almost 20 different nationalities. The theme of the residence was the Dream. In my mind came the image of the human connected to the Frequency of Dreams, infinite.
I asked everyone to express their feelings about the Dream in their own language. From all these recordings, I composed and edited this musical piece that is listening as an infinite journey, a film evoking the billions of human beings dreaming. This title has a very strong emotional power.
You had already taken a particular care in the recording and the mixing of the drums, your major instrument, on Inner Lands. We feel the same concern on this new album. Am I wrong ?
As I told you earlier, for this new album, I decided to manage the complete mix but also all sounds taken from all instruments. Long and exciting process.
The recording of the drums has been done in different places. I do 3 shots per piece most often. I play letting go and I improve as and when. Very little editing in the end. Then I let some time before listening again. It helps me not to lose the creative energy thread.
Similarly, from the point of view of composition, minimalism is still present with its subtle changes and repetitions. Is the lithophonist that you are now accentuating this influence ?
Yes it is present throughout the album. I take it fully. For me, the Minimalism and the Progressive of the 70s are intimately linked. They are great sources of inspiration. These two movements by their openings of spirit are natural bridges allowing to unite and integrate all the musical genres. Nowadays, Progressive Rock rhymes more often with Metal Prog than anything else. Personally, I don't like that. I prefer sounds close to origins. The "repetition" with its subtle changes represents the form of the Trance. The music of this new album 7 + ∞ is spiritual.
If I'm not mistaken, Cevennes you moved to settle on the edge of the Atlantic Ocean in the Charentes. What did this geographical change change in the "tellurian" that you are and which one recognizes well in the title "Toundra" ?
The great theme of this album 7 + ∞ is Timeless Nomadism. Also I went from the Cevennes Lozère mountains to the Atlantic Ocean and the Charente Maritime. What change ! A real crush for this region is born. I like the horizon of the ocean and the sky. A real pleasure to walk on the wild coast and meet migratory birds in any season. And then the discovery of marshes between Rochefort and Ile d'Oleron, what a marvel of biodiversity! This environment is very inspiring for my music. Toundra evokes the great spaces linked to the migrations of large herds.
My feelings between music and the encounter with Nature are getting stronger year after year. This translates into a creative energy that I feel pure and natural.
Of course, the large maritime expanses are present ("Caravan Of Whales", "Lament For The Ocean"), even if the caravan could leave Santana ...
The two titles you mention here highlight the environmental issues caused by humans. Caravan of Whales evokes the image of Whale Caravans quietly crossing the deserts covered by the ocean. The image is captivating but it is also a way of telling people that the ocean could once again cover these deserts in the near future with the rising waters due to global warming, the melting of glaciers, the air pollution caused by human activities. The younger generations seem to be awakening to these problems, so much the better!
Lament for the Ocean is a strong title in the sense that I wanted to evoke the oceanic pollution by the plastic, the nuclear and the human economic overactivities. When I see that the oyster farmers are still using plastic to produce oysters, that really annoys me. And these days, I learn that a ship has just failed near the coast of Charente with a high risk of pollution. In both cases, the human shows his irresponsibility. The ocean, remember, whether Atlantic, Pacific or Indian is in fact only one Ocean.
We knew you were an accomplished multi-instrumentalist, but you are also an excellent vocalist. The voices are more present than on Inner Lands, as on the beautiful "Ukiyo-e", a sort of hybrid cross between Steve Hillage and Ryuichi Sakamoto. A comment on this work of the voices ?
In this new album 7 + ∞, I wanted to balance the music and the voices. Ukiyo-e proved a perfect example. The idea was to start from a simple form, voice and rhodes. I like to sing more and more. In my image of singing, there are no texts but rather sounds and textures. The melodies came quite fast then with Samantha Zaccarie, we worked together on harmonizations and counterpoints. Again, it took time and ripening.
Ukiyo-e is also inspired by floating worlds and Japanese prints by artist Hokusai, whose remarkable retrospective I saw in Tokyo. As much the 1st part is centered on the voices, the 2nd is centered on the piano, the strings and the rythmics. You're right, I winked at Ryuichi Sakamoto that I really like. Ukiyo-e is also aimed at all Japanese friends (at the end of the day). Oh what an amazing country that Japan, I love!
You have some guests, especially Satoru Kita (saxophones, cello) and Marc Niess (trumpet) with whom you collaborate elsewhere. Can you tell us a few words about these guests ?
In this new album 7 + ∞, several guests have been invited.
First, my partner Samantha Zaccarie who played the jew's harp, sung on 5 of the 8 tracks of the album. With her feelings and her particular listening of the music, she helped me a lot during the mixing. Samantha designed a large part of the digifile sleeve with this beautiful photo from her Infinite Trace series. She considers herself an artist of life. Also his photographic work is to discover.
I was lucky to have the excellent flutist from Montpellier Damien Fadat for the titles Tuatha De Danann and Celtia. I had seen him in concert, I loved his game and his energy.
Satoru Kita played saxophones and cello on 2 tracks Caravan of Whales and Ukiyo-e. Japanese musician, he lives in Paris. Go listen to him, he is an exceptional musician with an innate sense of graphic design in musical composition. Amazing!
Héléna Boistard came to the Cévennes with her electric violin to record the track Celtia. I have known her for a long time. She is an excellent violinist with a good energy.
Finally I finish with Marc Niess who came last reinforcement created a trumpet part and amazing sound textures on Caravan of Whales. The artistic agreement between us is so natural that we have formed the duo Fabrice Bony & Marc Niess, which has been shooting since 2018. I love this project that mixes genres. It's like a musical synthesis of all my artistic career. A live album Live Concert is online at the moment. We will release a mini EP recorded in studio by May or June. Ladies and Gentlemen programmers, this is a project that deserves to turn. Do not hesitate to contact us.
Can we expect to hear 7 + ∞ in concert ?
With the duo Fabrice Bony & Marc Niess, we play Caravan of Whales in concert. But this will be the only title played live. Frequency of Dreams was played in Iceland. To play 7 + ∞ in concert would require to constitute a group of 6 musicians at least. This is not planned for now. It will rather listen and see this album as successful paintings.
A last word for our readers ?
Readers, I salute you. Looking forward to seeing you on the road. Continue to support independent artists!
Thank you for this interview and good luck to Big Bang magazine.
2017
20/01/2017 Interview Fabrice Bony dans l'émission SCENE OUVERTE. Radio HELENE FM.
2016
18/11/2016 Interview Fabrice Bony à FRANCE 3 Poitou-Charentes.
20/10/2016 Interview Fabrice Bony à Demoiselles FM.
2013
Novembre 2013 Interview pour le magazine BIG BANG n°88 par Olivier Pelletant.
1 ) La plupart des fans de prog qui te connaissent t'avaient découvert en 1993, quand tu avais rejoint Ange pour la tournée promotionnelle de l'album "Les Larmes Du Dalaï-Lama". Cette expérience reste t-elle aujourd’hui un bon souvenir ?
Globalement cette expérience avec Ange reste très positive à mon esprit. Elle m’a appris tant de chose que ce soit sur le plan professionnel, émotionnel. A l’âge de 22 ans, c’était formidable de vivre ça. Je n’en demandais pas tant et en même temps, j’avais travaillé comme un fou pour que ce possible puisse se présenter et exister. Ça a eu lieu. L’Olympia et bien d’autres concerts furent magiques ! Je n’oublierai jamais bien sûr toute cette aventure. Et je ne remercierai jamais assez Daniel Haas d’avoir eu l’idée de me faire passer l’audition.
Par la suite en 1995, il a été décidé sans même m’en parler et m’en avertir alors que j’étais le batteur de Ange de faire une tournée d’Adieu avec la formation originelle. J’ai trouvé cette décision et le procédé navrant et décevant d’autant que le Jelsch de 1995 que j’ai pu voir à ce moment là sur certains concerts de la tournée, n’était plus aussi performant que celui des années 70. Ça a été dur à encaisser le coup du batteur jetable…qui sauva la tournée de 1993 comme on dit. Mais bon je m’en suis bien remis.
En 2002, Christian Décamps m’a rappelé pour me proposer la place de batteur. Au début j'étais enthousiaste à cette idée mais après l'entrevue, j’ai décidé de refuser car d’une part la musique avait changé et je ne retrouvais pas la magie de 1993.
Aujourd’hui, j’ai toujours un œil et une oreille attentive à ce qui se passe du côté de l’Ange. J’ai apprécié leur dernier album. Je suis allé les voir en concert quelquefois. Nous avons eu quelques échanges avec Christian et les autres musiciens. D'ailleurs Christian vient tout juste de chroniquer l'album dans le magazine du fan club. Je l'en remercie chaleureusement. Voilà la page Ange en tant que musicien est belle et bien tournée. Direction le présent !
2 ) Pour être franc, tu as un peu disparu des radars progressifs depuis cette époque, mais je sais que tu es pourtant resté très actif dans le milieu musical. Peux-tu nous dire en quelques mots ce que tu as fait durant ces 20 longues années...
Oui effectivement les radars progressifs n’ont pas eu à me flasher ces 20 dernières années car lorsque je n’étais pas en studio au service d’artistes de tout genre musical que ce soit pour des disques ou pour la télévision, j’étais sur les routes du Blues, du Rock, du Jazz-Rock, de la chanson française sans oublier bien sûr l’expérience troublante de 6 mois de travail avec Nino Ferrer sur un album qui ne verra pas le jour suite à son suicide à une semaine de partir au Studio du Manoir pour concrétiser ces mois de travail…Depuis 2008, j'ai ralenti les concerts pour me consacrer pleinement à la composition et à l'enseignement. Plus récemment encore, j’ai créé ce projet solo live de musique minimaliste du nom de « Spirales Ephémères ». Pour les détails de mon parcours, j’invite les curieux à visiter mon site. Vous saurez tout, promis !
3 ) Ce nouvel album est le second de ta carrière solo, et apparaît d'entrée bien plus progressif que son devancier. Avais-tu la volonté de créer une musique plus ambitieuse pour Inner Lands, ou est-ce les chemins de l'inspiration qui t'ont conduit "malgré toi" sur ce chemin ?
Les chemins de l’inspiration sont en résonance avec ce que l’on vit en rapport avec notre monde intérieur qui est lui même influencé et en interaction avec le monde extérieur. Je ressentais en moi un feu intérieur puissant, beaucoup d’énergie, quelque chose de nouveau se passait. Il était clair que mon instrument maître à savoir la batterie aurait un rôle très important à jouer dans cet album. J’avais la sensation de lâcher les chevaux pour n’importe quel instrument et c’était un sentiment très naturel de l’exprimer ainsi. Donc selon l’angle de vision, le point de vue de Inner Lands est qu’il est un album ambitieux.
4 ) Inner Lands est doublement progressif. Non seulement car il fait preuve d'une sophistication formelle des plus poussées, mais aussi car il ne se contente pas de décliner une musique prédéfinie tout au long de son propos. Si la dimension atmosphérique et cinématique de ta musique ne fait aucun doute, on sent percer très régulièrement une floraison d'éléments plus ambitieux (fusion, serais-je tenté de dire). Un peu comme a pu le faire parfois Pat Metheny. Es-tu d'accord avec cette description ?
Oui tout à fait d’accord. La référence à Pat Metheny ne me parle pas trop mais je préfère me référer à un groupe comme Gentle Giant que j’adore. Ce sont des musiciens exceptionnels aux audaces musicales impressionnantes. La plupart des musiciens de ce groupe sont multi-instrumentistes ce qui nous fait ce point commun, donc bien des couleurs peuvent être créées. D’une manière générale et on peut l’entendre chez beaucoup de groupes et artistes du genre, s’exprimer dans le domaine du progressif et même dans le minimalisme amènent à des dimensions et expérimentations musicales infinies.
5 ) Ce qui est formidable dans ta musique, c'est son assise rythmique qui lui permet toutes les audaces harmoniques. Es-tu conscient que tes talents de batteur sont une des causes principales de la réussite de cet opus ?
J’ai su très vite que mon instrument maître à savoir la batterie auraient un rôle très important, voir essentiel à cet album. Comme je le disais plus haut, une énergie puissante intérieure me demandait d’exprimer cela : la Batterie est l’énergie de la Terre. Et pour réaliser cela, je voulais pouvoir disposer de temps pour peaufiner toutes les parties de batterie, j’ai donc décidé de ne pas aller en studio mais d’investir dans des bons micros et une bonne carte son puis faire les prises de sons à la maison. Ensuite je suis allé mixer tout cela chez un véritable magicien du son j’ai nommé Jean-Lou Girold du studio ATL-REC situé dans les Vosges. La combinaison home studio et mix avec un vrai pro dans un studio pro a parfaitement fonctionné. C'était une prise de risque mais j’avais confiance.
6 ) J'ai évoqué Pat Métheny plus haut, mais ta musique évoque aussi d'autres artistes comme Jean-Luc Ponty, Magma (surtout sur "Weird"), Neal Schon, Bill Bruford, Pink Floyd, Eloy, et autres Allan Holdsworth. Cependant, Mike Oldfield (celui des années 70 bien sûr) me semble être l'artiste avec lequel tu as le plus d'accointances 'théoriques'. Pas tant dans le style pratiqué que dans la volonté de rendre cohérents des éléments a priori dissemblables. Est-ce fondé ou suis-je complètement à côté de la plaque ?
Il est clair que beaucoup d’influences se retrouvent dans cet album et c’est ce qui en fait sa richesse rythmique, harmonique et cosmique… Tous les artistes que tu cites me parlent plus ou moins alors je te rassure, tu n’es pas à côté de la plaque mais bien dessus… ah ah.
7 ) La logique me pousse à présent à te demander quels sont tes goûts musicaux les plus intimes...
Ah Mes goûts musicaux….Ils sont nombreux !!! Magma, bien sûr ! Quel chance avons nous en France d’avoir un tel groupe et puis Christian Vander est tout simplement hallucinant. Respect total ! Après bien sûr le prog anglais des seventies comme Genesis, Yes, King Crimson, Gentle Giant, Jethro Tull me touche toujours énormément. Le prog suédois est aussi très intéressant avec des groupes comme Anekdoten, Paatos. Le prog américain lui me touche moins, Kansas oui. Par contre l’avènement du Métal Prog à la Dream Theater & Co, me laisse de marbre, je trouve cela d’une froideur. Le son est généralement trop compressé, trop propre, trop brillant, le pire c’est les sons de batterie tellement compressés qu’on dirait des boites à rythmes… Bien sûr la technique est monstrueuse voir surhumaine mais si la musique c’est juste un concours à la complexité extrême…non merci. D’ailleurs en faisant la promo de l’album, je me suis rendu compte que pas mal de journalistes et chroniqueurs prennent pour références tout ces groupes Métal Prog pour déterminer ce qu’est la musique progressive. Je trouve qu’ils sont dans l’erreur.
Aussi, j’ai découvert il y a quelques années la musique minimaliste à travers Steve Reich, John Adams, Philip Glass et Terry Riley. C’est un mouvement formidable que je conseille vivement d’écouter. Là il s’agit de subtiles variations rythmiques de mouvements harmoniques souvent assez simples qui paraissent répétitifs mais qui ne le sont pas, nous sommes proches de la transe. Passionnant pour le rythmicien que je suis.
8 ) A part quelques vocalises (ou des chants indiens sur "Native Land"), Inner Lands est totalement instrumental. Cela signifie t-il que ta musique (profonde et intense, qui laisse l'imagination de l'auditeur vagabonder) ne saurait supporter un chant, donc des paroles forcément plus directes et expressives ?
Au départ, l’album ne devait comporter aucun vocaux. Ils sont arrivés assez proches de la fin du processus créatif. J’ai pensé que l’élément vocal pourrait être intéressant à exploiter sur certains passages ; Il est sûr que c’est à force d’écouter Magma que j’ai voulu essayer. C’était intéressant et je pense qu’à l’avenir, la voix sera encore plus présente. Alors dans mon idée, la voix serait plutôt utilisée en tant qu’instrument plutôt qu’en terme de textes. Je trouve que ça emmène aussi loin que les beaux textes. J’irai plutôt dans le sens voix-instrument.
Le 1er album « Between day » ne comportait pas de voix. Je rappelle que cet album parle de mon Expérience de Mort Imminente (EMI) ou Near Death Experience (NDE) vécue il y a quelques années de cela. Il s’agissait d’un événement personnel et en même temps universel car vécu par bien d’autres personnes. Ce fut une expérience au delà des mots, que j’ai traduit en musique, la voix n’avait pas sa place là.
9 ) Tes remerciements contenus dans le livret sont assez surprenants, car pas seulement destinés à des personnes. Il apparaît que la "Nature" est un élément central de ta vie d'homme et d'artiste. Dans quelle mesure, les animaux et le monde végétal sont-il pour toi des sources d'inspiration ?
Bien des changements dans ma vie sont intervenus ces dernières années, j’ai l’impression d’être passé dans l’accélérateur de particules de la Conscience. Ces remerciements sont particuliers car vivant dans un environnement des plus naturels au beau milieu du Parc National des Cévennes qui est une terre de résistance, relativement préservée de l’hérésie humaine qui consiste à tout détruire par pur intérêt financier ou spéculatif. C’est cette Nature si belle, que j’observe chaque jour qui me donne toute cette énergie, cette envie d’avancer. J’ai la chance de pouvoir observer chaque jour cette Nature qui nous donne tant. Si vous prenez le temps d’observer les vaches, les moutons, les chèvres, les poules, les chats, les abeilles, les vers de terre, vous serez touchés par leurs êtres. Si votre cœur est ouvert et disponible, vous comprendrez. Bien sûr pour les citadins, c’est plus compliqué mais l’humain doit se reconnecter à la Terre sinon, il périra. Le titre « Isle of Shadows » a été composé juste après Fukushima. Il est un hommage au peuple japonais qui vit quelque chose de terrible. Le problème c’est aussi que de l’autre côté de la planète, on pense que c’est loin tout ça… terrible erreur de penser cela car nous en subirons les mêmes conséquences à moyen terme. La Nature nous donne des signaux d’avertissements, elle est généreuse. Mais l’humain est incapable de les voir, il est par ailleurs incapable de se réguler ou même de réduire sa consommation d’énergie. Le piano joue une note légèrement dissonante traduisant le fait que ce monde est bancal et va probablement à sa destruction. Les cris radioactifs de la fin expriment cette colère que tant de gens commencent à ressentir car beaucoup prennent conscience que ça ne peut plus durer. Je terminerai par une note optimiste. Mes derniers remerciements sont pour les courbes divines. Ah Hommes que nous sommes… que serions nous sans l’élément féminin, les Femmes. Il est grand temps qu’elles reprennent la main…
10 ) J'ai vu également que tu faisais parfois partie de "résidences artistiques". Peux-tu nous en dire plus sur ce genre d'activités que je ne connais que très peu, je dois l'avouer...
En 2010 j’ai été invité en résidence d'artiste en Islande pour partager mon médium de musicien avec des artistes musiciens, sculpteurs, peintres, photographes, vidéastes, écrivains, danseurs, pendant 2 mois. C’était fantastique. Le principe est de créer des œuvres sur place le temps de l’événement. J’ai découvert par exemple un instrument génial du nom de Lithophone, (vibraphone en pierre.) Depuis je l'ai expérimenté et développé avec les pierres locales. Cet instrument fera probablement partie du prochain album. Cette résidence m’a permis de créer un instrument de type psaltérion à caractère primitif qui lui aussi sera sur le prochain album… Plus récemment dans notre belle région de Lozère, une autre résidence a eu lieu et ce fut d’autres rencontres et collaborations ponctuelles avec des musiciens japonais. En octobre 2014, je serai également en résidence au Japon.
11 ) Tes projets ?
J’envisage de repartir tranquillement sur la conception d’un nouvel album. Je sais déjà qu’il sera placé sous le signe du voyage, ce sera la thématique principal. Peut être pour 2014 ou 2015, nous verrons… Il y aura encore beaucoup d’énergie. Et puis le collectif franco-japonais Luli que nous avons monté va ponctuellement se développer. Je n’oublie pas aussi mon projet live « Spirales Ephémères » avec lequel je souhaite imaginer des collaborations en duo ou trio. Pas vraiment le temps de s’ennuyer comme qui dirait.
Voilà, merci à vous et bonne continuation au magazine.
2008
Octobre 2008 Interview pour CULTCRUSHER,
Webzine de la contre-culture.
Fabrice Bony, la musique enlevée.
par johnellman, jeudi 9 octobre 2008 à 20:48 | ITW MUSIQUE | #180 | rss
Un peu de calme dans ce monde, c'est ce que je voudrai dire quand j'écoute la musique de Fabrice Bony. Une musique de film plutôt. Non, non un poème. j'ai trouvé... c'est une histoire d'amour qu'il nous dévoile, une histoire d'amour avec la musique. Il est je pense une espèce de John Barry qui se serait arrêté boire un verre chez les Pink Floyd... Un grand professionnel en tout cas que le marché du disque n’effraie pas.
Peux-tu te présenter et comment est née ta musique ?
Fabrice Bony 37 ans, batteur professionnel, je vis à Paris depuis un an. Ma musique est né il y a 5 ans. J'ai décidé de me poser et de prendre du recul sur ce que j'avais composé les années d'avant. J'avais déjà l'idée du concept-album. Mais quelle histoire raconter ? Finalement la réponse fut évidente, il m'était en effet arrivé une expérience étrange où j'étais passé de la vie à la mort à la Vie. Cette histoire je voulais la mettre en musique mais sans paroles car cette expérience était sans paroles, je voulais juste traduire mes états, mes émotions. Raconter cette expérience signifiait raconter un voyage, intérieur mais également extérieur. Je suis donc parti de ma naissance (01 - Birth) mon fil de vie (02 - Thread of Life) avec toute sa fougue et son insouciance jusqu'à cette rupture (03 - Trauma and Coma), expérience que je raconte au fur et à mesure de l'album... Je ne pouvais raconter cette expérience que seul c'est pour cela que j'ai décidé de tout réaliser moi-même dans mon home studio à l'exception de l'enregistrement des batteries qui ont été faites au studio Fallone (Dijon) avec Arnaud Morize au son. Le mixage et le mastering ont été fait aussi là-bas. Là je n'avais pas les compétences requises pour cela. (Rires)
Comment procèdes-tu lors de la composition des morceaux ?
Chaque titre a son propre processus de création, je n'ai pas de recette, je ne suis pas que batteur, je joue aussi de la guitare et modestement du piano alors quelquefois cela vient de la batterie, avec un groove, un rythme particulier, d'autres fois cela vient de la guitare, pour d'autres c'est le piano. Ou bien cela peut venir d'un son particulier qui va avoir une résonance harmonique telle que je vais entendre à l'intérieur un rythme, une mélodie, une suite d'accords. Mais je dois avouer
que j’ai un faible pour le Mellotron. Cet instrument me fascine et m’inspire beaucoup.
Si tu devais choisir l’un de tes morceaux comme étant le plus représentatif, lequel choisirais-tu et pourquoi ?
Sans hésiter 'Fours birds as witnesses', j'aime sa progression, ses contrastes, l'amplitude qu'il prend plus on avance dedans et puis j'aime ce titre poétique. Ces 4 oiseaux témoins qui observent cet homme (qui je le rappelle est dans le coma en pleine introspection) vont éclairer son chemin avant le grand départ..... J'aime cette idée que la Nature observe l'Homme et qu'elle l'éclaire en fonction de son comportement (le réchauffement climatique par exemple). Si l'Homme ne tient pas compte de cela, la Nature risque bien de l’envoyer se faire voir ailleurs.
Ton parcours ressemble à quoi ?
J'ai commencé la batterie à l'âge de 6 ans. En 1990, j'ai suivi le cursus professionnel du 'Centre Musical et Créatif de Nancy' (C.M.C.N.) et obtenu mon diplôme avec 'Mention spéciale à l'unanimité avec les félicitations du Jury'. Ensuite j'ai travaillé avec ANGE, celèbre groupe de rock progressif français, sur la tournée 'Les larmes du Dalaï-Lama' en 1993. Je ferai avec eux mon 1er Olympia à l'âge de 22 ans. Ce fut une merveilleuse aventure. Ensuite j'ai travaillé pas mal dans le milieu du Blues et de la chanson française, enregistré de nombreux disques et les tournées qui s'enchaînent. Et puis une expérience de 6 mois au côté de NINO FERRER interrompue suite à son suicide. Depuis 2005, je tourne et enregistre avec la pianiste-chanteuse dijonnaise DOROTHEE DANIEL. Deux albums sont sortis : 'la compagnie des anges' (2005) et 'en haut des peupliers' (2007). J'ai travaillé en tant que batteur avec le compositeur de musique de film Renaud BARBIER (le serpent) pour une série télé qui s’appelait « L’Hôpital » (2007)
Des signatures sur des labels ?
Non je ne suis pas signé et cela me va très bien. Par contre je suis distribué par MUSEA en France et à l'étranger.
Comment organises-tu ta promo ?
Je ne suis qu'au début de cette aventure et comme ce ne sont pas les gens qui vont venir vous chercher, je passe beaucoup de temps sur myspace, à lancer des invitations aux gens du monde entier car mon projet est universel. Je considère cette démarche comme un travail à part entière que tout artiste indépendant doit faire s'il veut exister. J'envoie mon CD aux magazines spécialisés français et étrangers. Je souhaite resté indépendant. A l'heure actuelle, mieux vaut être uniquement distribué mais signer un contrat avec une maison de disque, non merci.
Tes influences ?
Le Progressive rock des seventies, l'ambient, l'électro, le funk des seventies et puis la musique minimaliste.
3 grands musiciens que tu respectes ?
1 - Le batteur Bill Bruford (Yes, King Crimson, UK...),
2 - Le compositeur minimaliste John Adams
3 - Le grand compositeur et pianiste Sergeï Rachmaninov
Des projets pour l'avenir ?
Je suis en train de recruter des musiciens car j'aimerai que ce projet vive et se développe sur scène. Et puis, je commence à travailler sur un nouvel album mais cette fois je collaborre avec une chanteuse venue d'Inde et c'est très excitant de mélanger nos cultures respectives. A suivre....